samedi 4 octobre 2014

Le diable sur les épaules de Christian Carayon

Nous sommes en 1924, dans un petit village des montagnes tarnaises nommé La Vitarelle, qui se vide de ses âmes depuis plusieurs années. A cause de la guerre (trente habitants ne sont jamais revenus des tranchées), mais aussi à cause du déclin inéluctable faisant suite à la désertion des plus jeunes, qui préfèrent rejoindre les effectifs des filatures ou des usines de délainage que s’occuper de la ferme. Quand ce ne sont pas les jeunes filles qui se marient ailleurs, multipliant les célibataires restés au village. C’est l’époque où l’occultisme rencontre un franc succès, les gens éprouvant le besoin de se soulager de la mort d’un fils, d’un mari ou d’un père à la guerre. 

C’est dans contexte de l’immédiat après-guerre qu’une série de meurtres étranges frappent le village. L’absence de traces de pas sur la neige ensanglantée fait remonter les croyances et les superstitions d’un autre âge. Une sombre histoire ressurgit également du passė, celle concernant un crime impuni d’un jeune orphelin commis par les Gresse, la famille la plus prospère du village. Le fantôme de son frère ainé, mort à la guerre, semble être revenu pour crier vengeance. Et c’est tout le village qui tremble. Si la police de Toulouse est pressée de classer l’affaire sans suite, la nouvelle institutrice appelle en renfort son ami Martial de la Boissière, un éminent enquêteur faisant partie d’un groupe d’amateurs ayant déjà fait leur preuve. Martial va découvrir un village très renfermé sur lui-même, dans lequel la culpabilité collective suinte, aucun n’habitant n’ayant dénoncé le crime de l’enfant. Alors l’heure de la vengeance semble effectivement avoir sonné. Mais qui ? Et comment ? 

Ce polar historique ausculte les séquelles de la guerre 14-18 en faisant la part belle à l’étude de caractères des personnages. L’enquête est complexe mais minutieuse, nous suivons pas à pas les déductions de Martial dans un climat de suspicion, de haine et de manipulation. La description du village, un petit bout de terre qui se bat contre l’oubli, est d’une justesse et d’une finesse remarquables. Un polar dans lequel la romance ne fait pas défaut, mais qui se termine sur une note aussi mélancolique que désabusée. Car rien ne peut vraiment réparer ce qui a été brisé, même la vengeance. 

Une très belle réussite pour ce premier roman de Christian Carayon, qui ferre son lecteur sans jamais faiblir. Je vous le recommande vivement.


☆☆☆☆
 

Le diable sur les épaules de Christian Carayon, Éditions Pocket, juin 2013, 540 pages

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