jeudi 18 avril 2013

Dans la grande nuit des temps de Antonio Muñoz Molina

Quatrième de couverture
 
Avec ces mille pages d'amour et de guerre, Antonio Muñoz Molina reprend les thèmes qui traversent toute son œuvre - la mémoire historique, la conscience morale, l'infinie complexité des sentiments- et signe non seulement son plus beau roman mais aussi un véritable chef-d'oeuvre.Dans ce livre total, politique et sentiments sont les deux faces d'une tragédie qui plonge le personnage principal Ignacio Abel dans une spirale qui lui fera perdre son amour, son pays et son engagement. A la fin de 1936, cet architecte espagnol de renom, progressiste et républicain, monte les marches de la gare de Pennsylvanie, à New York, après un périple mouvementé depuis Madrid où la guerre civile a éclaté. Il cherche Judith Biely, sa maîtresse américaine perdue, poursuivi par les lettres accusatrices de sa femme, Adela, et taraudé par le sort incertain de ses deux jeunes enfants, Miguel et Lita. Antonio Muñoz Molina le regarde chercher le train qui doit le conduire dans une petite ville au bord de l'Hudson, Reinheberg, et reconstruit dans un époustouflant va et vient dans le temps la vie d'Ignacio Abel, fils de maçon, devenu architecte à force de sacrifices, marié à une fille de la bourgeoisie madrilène arriérée et catholique, déchiré par sa passion amoureuse et par la violence des événements politiques. Cette grande fresque sur les heures qui ont précédé la prise de Madrid par les franquistes - où se croisent nombre de personnages historiques et littéraires- est aussi un roman intimiste et charnel qui fouille avec une lucidité admirable et bouleversante au plus profond de la matière humaine.
 
 
L’art du portrait n’a décidément plus de secret pour Antonio Muñoz Molina, tant il excelle à nous dépeindre chaque personnage dans ses moindres détails et pensées. Il n’est pas en reste non plus concernant la psychologie humaine, tant les personnages sont frappants de justesse. Il nous décrit aussi avec beaucoup de finesse la ville de Madrid pris de folie dans une guerre civile qui ne veut pas dire son nom.
 
Une écriture ciselée, de longues phrases et un roman touffu qui a malheureusement fini par m’étouffer par tous ces détails, répétitions, retours en arrière, atermoiement et autres. Avec cette impression que l’auteur ne laissait finalement plus beaucoup de place à mon imaginaire : manque de respiration, manque d'évasion, tout est trop précis, cadré, détaillé.
 
Une lecture en demi-teinte, qui devrait convenir aux amateurs de Proust. Une lecture qui peut donc s’apparenter à un chef d’œuvre pour les uns ou un calvaire pour les autres.
 
Peut-être que le fil de son intelligence s'était-il émoussé, de même que sa vue devenait plus faible, ses mouvements un peu plus maladroits, son corps plus lourd et plus épais, et n'était plus traversé depuis si longtemps par une pointe de véritable désir. La tension de l'attente restait intacte, mais il était très probable que ce qui l'attendait dans l'avenir ne serait guère plus que ce qui était survenu dans le passé. Le suspense de l'inconnu , le sentiment d'une possibilité illimitée, il ne les ressentirait plus comme du temps de son séjour en Allemagne, si lumineux et si bref dans son souvenir. Son talent et son ambition, il les avait mis dans son métier. Il avait été le spectateur distrait de sa propre vie, comme on délègue à d'autres les détails subalternes d'une entreprise complexe.
 
Un peu d'humour (il y en a peu dans ce roman)
 
« Croyez-vous qu'on puisse faire confiance à un philosophe qui teint ses cheveux blancs avec une teinture de mauvaise qualité et qui prend tant de soin pour dissimuler sa calvitie, sans la moindre chance de succès ?
- Il paraît qu'il porte aussi des talonnettes dans ses chaussures.
- Vous, comme architecte, vous remarquez les détails de structure ! Moi, je me contente de la décoration. »
 
Par contre, il est beaucoup question d'amour :
 
« Le temps qu'il passerait avec Judith Biely serait toujours mesuré, menacé, toujours soumis à l'inquisition de quelqu'un, à l'usure angoissante des heures et des minutes, à la pression de la montre qu'on ne veut pas regarder et que pourtant l'on regarde discrètement du coin de l'œil, des horloges publiques qui approchent très lentement de l'heure d'un rendez-vous ou indiquent avec indifférence celle d'une séparation que l'on ne peut plus différer. »
 
« Ils voulaient combler par des mots écrits le vide du temps qu'ils ne passaient pas ensemble, prolonger une conversation dont ils ne se lassaient jamais, brisant le délai angoissant qui s'ouvrait après la fin de chaque rencontre. »
 
Une très belle écriture, sans conteste ! 


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