dimanche 17 février 2013

Le marin de Gibraltar de Marguerite Duras

Un homme décide de se dépouiller de sa vie : il quitte la femme avec laquelle il vivait sans amour depuis deux années et renonce définitivement à son travail monotone au ministère des colonies. C’est dans un petit village italien, à l’embouchure d’un fleuve dont lui a parlé un chauffeur lorsqu’il se rendait à Florence, qu’il trouvera le courage de se défaire du poids devenu trop pesant de ce qu’était devenu sa vie inodore et incolore. C’est là qu’il rencontre la belle Anna, surnommée l’Américaine, jeune veuve richissime qui parcourt le monde à bord d’un yacht avec quelques matelots à la recherche du marin de Gibraltar, un homme qu’elle a aimé et qui a disparu depuis des années.
 
Libre mais sans le sou, le narrateur se fait engager sur le bateau pour partir à son tour en compagnie de la belle à la recherche de ce marin évanoui dans la nature, passant de Sète à Tanger, de Tanger à Abidjan, et d'Abidjan à Léopoldville. Il sait que le jour où ils retrouveront la trace du marin de Gibraltar sonnera la fin du couple qu’il forme à présent avec cette femme qu’il aime.
 
Quatrième roman de Marguerite Duras, dont le précédent « Un barrage contre le Pacifique » lui avait valu une première reconnaissance de la critique et du public, « Le marin de Gibraltar » fut publié en 1952 aux Editions Gallimard. Si son précédent roman était largement autobiographique, elle s’en écarte ici délibérément dans ce qui peut apparaître comme une rupture dans son écriture, annonçant par ce roman son œuvre future.
 
Proposant une narration lancinante et volontairement évanescente, on finit par se demander si ce marin de Gibraltar n’est pas juste une figure chimérique offrant de par son inaccessibilité un but à l’existence trop monotone s’il n’existait pas dans l’imaginaire de tous les personnages du roman. Chacun finit par avoir sa propre vision du marin de Gibraltar et la poursuite de ces nombreux avatars fournit le prétexte idéal aux diverses escales qui jalonnent ce récit.
 
La quête de l’inaccessible où l’essentiel se situe du côté de la recherche dans laquelle on finit par s’oublier que de l’opportunité de retrouver l’objet en question. La place du désir dans la passion. Car la meilleure façon de préserver un amour n’est-il pas de le menacer toujours ? Et quelle meilleure menace que celle du retour d’un hypothétique marin de Gibraltar ? 
 
- Dites-moi, dit-elle, quel est le signe annonciateur de la fin d’un grand amour ?
- Que rien, apparemment, ne l’empêche de durer toujours, dis-je, non ?


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