samedi 14 avril 2012

La vie avant l'homme de Margaret Atwood

Autopsie d’un couple en phase terminale dans les années 70.
 
Si le mariage de la sensuelle Elizabeth et du contemplatif Nate bat de l’aile depuis longtemps, ils n’ont jamais pour autant envisagé de se séparer pour le bien-être de leurs deux enfants. Chacun s’accommode des amant(e)s de l’autre jusqu’au jour où le dernier amant en date d’Elizabeth se suicide :
 
« Je ne sais pas comment je devrais vivre. Je ne sais pas comment on devrait vivre. Je sais seulement comment je vis. Je vis comme un escargot privé de sa coquille.
[...]
Je veux qu'on me rende ma coquille, j'ai mis assez longtemps à la fabriquer. Tu l'as emporté, où que tu sois désormais. Tu as bien su me l'ôter. Je veux une coquille comme une robe à sequins, faite de piécettes argentées et de dollars se chevauchant comme les écailles d'une armadille. L'arme à gauche. Imperméable ; comme un ciré breton. »
 
Nate en profite pour quitter sa maîtresse actuelle, mais ce n’est que pour mieux tomber amoureux de Lesje, une jeune paléontologue gauche et timide. La tolérance de façade qui prévalait jusque là commence à se fissurer, et ce sont toutes les petites avanies, compromissions désavouées, petites lâchetés et manipulations douteuses qui commencent à s’engouffrer dans les brèches de plus en plus profondes d’un couple en perdition.
 
Polyphonie à trois voix (Elizabeth, Nate, Lesje), ce roman tient autant du roman psychologique que de l'étude de moeurs d’une époque. Au final, un roman mélancolique désenchanté où l’humour n’est pas absent même s’il laisse toujours une certaine amertume dans ses sillages : incompréhension, incommunicabilité, les êtres se croisent et se décroisent sans jamais vraiment se rencontrer.
 
Aucun gagnant mais tous perdants semble nous dire Margaret Atwood, qui sait de quoi elle parle tant ce roman sent le vécu dans les déambulations et questionnements divers des trois protagonistes. Décidément le mariage est tout un art mais ne sont-ils pas leurs propres bourreaux dans cette histoire ? Et s’il fallait tout simplement essayer de se libérer de ses derniers oripeaux pour mieux aller à la rencontre de l’autre ? Encore faut-il savoir ce que l’on veut pour décider où l’on va.
 
Tout est dans la finesse du trait et Margaret Atwood n'est pas en reste dans cet exercice difficile. Un bon roman de la romancière, pas mon préféré mais pas non plus le moins bon, loin s'en faut.
 
« Lesje jette des coups d’œil aux vitrines des boutiques de robes et des grands magasins, lorgnant les mannequins cadavériques qui se dressent avec arrogance, le pelvis projeté en avant, une main anguleuse posée sur la hanche et les jambes écartées avec un genou replié. Si ces corps étaient animés, ils tournoieraient, ils se trémousseraient comme dans le finale orgasmique d'une stripteaseuse. Mais comme il ne s'agit que de plâtre et de fil de fer inanimés, le bon goût est sauf. » 


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