jeudi 22 mars 2018

Vampyr de Carl Théodor Dreyer

A propos de Carl Théodor Dreyer : « A chaque film, observe Nicola Mazzanti, directeur de la Cinematek, il a nourri le langage du cinéma. On peut considérer que certains de ses films, comme La Passion de Jeanne D’Arc, Vampyr et Ordet, ont changé l’histoire du cinéma. »

Pour Mazzanti, « Dreyer a inventé le silence dans le cinéma sonore, ce qui est peu banal. C’est un cinéma profondément conscient du temps interne, qui a eu une influence forte sur le cinéma d’auteur – celui de Tarkovski et d’Akerman, par exemple. »

Disparu depuis cinquante ans tout juste, l'occasion où jamais de fouiller dans les archives pour ressortir mon billet sur ce magnifique film du réalisateur danois Carl Théodor Dreyer : Vampyr.




Un jeune homme, David Gray, arrive un soir à l'auberge de Courtempierre, village situé au bord d'une rivière. La nuit, un vieillard pénètre dans sa chambre pour implorer son aide. Il disparaît aussi mystérieusement qu'il est entré en laissant un colis, à n'ouvrir qu'après sa mort. Le colis en question est un livre sur les vampires. Or, dans le château situé à proximité de l’auberge, vivent deux femmes dont l'une, gravement malade, porte d'étranges blessures au cou…




Adaptation libre de deux nouvelles de l'écrivain irlandais Sheridan Le Fanu : Carmilla et L'auberge du dragon volant, le film Vampyr est étonnamment poétique, onirique, étrange et singulier par le traitement des images (surexposées et par conséquence voilées, ce qui contribue à donner aux images son côté surnaturel), le jeu des ombres et des lumières et le choix des comédiens (la plupart ne sont pas des acteurs professionnels).




Le fait que ce film accorde très peu de place aux dialogues lui confère ce charme très particulier du cinéma muet, tout en renforçant cette impression de vivre un rêve éveillé. Outre le combat classique entre les forces du bien et du mal, de nombreux symboles jalonnent le film, tels le faucheur, le passeur, la roue du moulin…



Le dédoublement est particulièrement présent également : l'ombre des hommes fait de temps en temps l’école buissonnière. Le temps est également dédoublé, nous sommes parfois totalement déboussolés, ne sachant plus très bien si nous sommes dans la réalité, le rêve du demi-sommeil ou le cauchemar éveillé. 


Ce très beau film, qui sera un échec public à sa sortie, mérite toute notre attention pour la particularité qui s’en dégage, les audaces scénaristiques et visuelles, pour son traitement original du thème vampirique et la beauté des images, tout simplement…



Petite anecdote sur ce film, pêché dans le journal Le Soir de ce jour : « Vampyr doit aujourd’hui une partie de sa fascination à un accident de tournage. Dreyer rêvait d’un film en noir et blanc contrasté. Or, les rushes furent endommagés, et donnèrent finalement aux scènes tournées une troublante lumière grise. Dreyer et son directeur de la photographie, Rudolph Maté, décidèrent de conserver la tonalité brumeuse du film, ce qui participa à son atmosphère insolite. »


Vampyr ou l’étrange aventure de David Gray de Carl Théodor Dreyer, 1932, 1h23 

4 commentaires:

  1. Un Dreyer que je n'ai pas encore vu et pourtant ce n'est pas l'envie qui manque. Merci Sentinelle pour ce billet qui me redonne envie de pallier à ce manque très prochainement.

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    1. Avec grand plaisir, Strum. J'aimerais d'ailleurs beaucoup le revoir (DVD prêté il y a dix ans et rendu depuis longtemps). Cela fait un bon bout de temps que je pense m’acheter un coffret du réalisateur, alors pourquoi pas cette année symbolique ? Cinquante ans qu’il nous a quittés, quand même. J’ai la nostalgie de ces grands réalisateurs : Murnau, Lang, Browning, Eisenstein…

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  2. Film essentiel au même titre que Nosferatu de Murnau voire La Passion de Jeanne d'Arc du même Dreyer.
    Pour mémoire, une seule actrice professionnelle, Sybille Schmitz ( Léone ), la germaine s'est suicidée en 1955.
    ++

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    1. Ravie de te retrouver ici, Mister Ronnie :)

      Je suis allée fureter sur internet, il parait qu'elle était considérée comme une des plus belles actrices allemandes des années 1930. Les dernières années de sa vie ont également inspiré le film de Rainer Werner Fassbinder Le Secret de Veronika Voss. Intéressant tout ça, d'autant que je ne l'ai pas vu. Le journal d’une fille perdue (1929) de Georg Wilhelm Pabst me semble très prometteur également. Et pourquoi pas Le Titanic de 1943, une des superproductions de propagande nazie, ne serait-ce que par curiosité. Il faut que je les note, tu as bien fait de passer ;-)

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